Pour la première fois, tous les acteurs de la chaîne pénale ont reconnu un lien de causalité entre le harcèlement moral subi et le suicide.
Mélissa est une jeune-femme pleine de vie, simple, authentique, pure, ingénue, lorsqu’elle rencontre J. Sa psychologue dire d’elle qu’elle était très sensible à l’injustice, aux critiques, qu’elle avait une capacité de culpabiliser énorme, sans aucune tendance suicidaire. J. quant à lui, est décrit comme un homme possessif, jaloux, autoritaire, ayant pour habitude de rabaisser, humilier, menacer. Leur relation durera 5 mois. En 2016, Mélissa âgée alors de 23 ans s’est suicidée en sautant du deuxième étage d’un immeuble.
Cette relation qui durera à peine 5 mois sera, une fulgurante descente aux enfers pour Mélissa dont le changement de comportement sera constaté par tout son entourage: isolée, elle ne sortait plus avec ses amis, voyait peu sa famille, abandonnant même son projet professionnel, amaigrie, perdant sa joie de vivre.
Pour s’extraire de cette prison mentale dans laquelle J. l’avait enfermée durant cinq mois, le suicide, la mort, sera pour Mélissa la seule solution pour sortir de cet enfer, et peut-être même la dernière de ses libertés. C’est précisément cela le suicide forcé.
Et c’est exactement ce processus qui a été parfaitement démontré, caractérisé par la totalité de la chaîne pénale. L’ordonnance de renvoi est à ce titre exemplaire, en ce qu’elle établit clairement le lien de causalité direct entre le harcèlement moral subi par Mélissa et son suicide :
J. a reconnu qu’il savait que Mélissa était fragile. Il ne pouvait ignorer l’ascendant qu’il avait sur elle. Cette emprise et la véritable entreprise de dénigrement mise en place par J. tout au long des cinq mois de leur relation a atteint son paroxysme dans la nuit du 11 au 12 février et le matin du 12 février avec un échange de textos comprenant des insultes et des menaces d’une violence extrême, celui-ci poussant la perversité jusqu’à chercher à lui faire croire qu’il pouvait tenter de se suicider à cause d’elle en s’entaillant un index et un poignet. Le fait ensuite de la rejeter et de refuser de parler avec elle alors qu’elle était venue jusqu’à son domicile pour pouvoir discuter avec lui a conduit Mélissa, qui était manifestement déjà à ce moment dans un état psychologique très fragile compte tenu des messages violents dont elle a été destinataire, à son geste fatal.
Il résulte de ces constatations que les agissements répétés de J., se caractérisant tout au long de sa relation de cinq mois avec Mélissa par des propos d’abord dénigrants et culpabilisants puis violents et insultants envers elle, ont eu pour conséquence une dégradation progressive des conditions de vie de cette dernière, et l’ont finalement poussé à mettre fin à ses jours.
Le réquisitoire définitif est sans équivoque:
En outre, si le geste de suicide est avéré, ce que l’instruction ne contredit pas, l’incapacité est nécessairement supérieure à 8 jours puisque le harcèlement a conduit Mélissa au suicide.
Il est tout à fait inédit, qu’un homme soit jugé pour harcèlement moral ayant causé une ITT (incapacité temporaire totale de travail) supérieure à 8 jours, alors que la victime en est morte.
Quand le langage devient violence, lui aussi, peut conduire à la mort. Et c’est bien ce que ce renvoi de J.W devant le tribunal correctionnel signifiait dès lors qu’il est apparu très clairement que le harcèlement subi par Mélissa était la cause directe de son suicide.
L’ancien compagnon de Mélissa a été relaxé le 26 juin 2020 par le Tribunal correctionnel de Chambéry. Les juges ont estimé qu’il n’y avait pas de lien certain entre le harcèlement subi par la jeune femme et son suicide en 2016, allant à l’encontre des réquisitions du parquet qui a fait appel…